ENQUÊTE :
Thomas Bangalter disait à quel point il était inquiet sur la manière dont les gens consommaient la musique. «Aujourd’hui, ce sont les algorithmes qui proposent la musique, il n’y a plus de découverte, c’est un formatage massif programmé. Comme si la musique était devenue un produit Kleenex qui se consomme.»
Pour beaucoup, l’art est devenu un véritable produit de consommation.
« Je pense que plus l’art est accessible pour les consommateurs, plus il est proie à devenir objet de consommation. La musique l’est de plus en plus avec le streaming, les musées restent peu touchés mais des plus petites galeries de quartiers sont parfois assez dépourvues de sens artistiques.» - Julien, 19 ans
«Ça s’est banalisé pour devenir Instagramable, pour montrer que ‘nous on va au musée, on écoute ci ou ça’. C’est surtout les réseaux sociaux et les gens qui n’ont en rien à foutre de l’art qui le mettent en avant, il n’y a plus de ‘vrais passionnés’, du moins, ils ne se montrent plus ou pas assez ». -Léo, 21 ans
Mais pouvons-nous parler de « produit » lorsqu’un parle d’art ?
« Non, il ne s’agit pas d’un produit à proprement dit, mais ce n’est pas non plus complètement un service ... on le consomme d’une façon unique, une fois découvert (par exemple lorsqu’on écoute une musique) plus jamais on aura cette écoute de découverte, ce sera de l’habitude. » - Clara, 17 ans
Une chose est sûre, la manière de consommer l’art a évolué en même temps que la société. Duchamp et Warhol nous l’ont bien montré. C’est dénoncer la manière de consommer l’art par l’art.
«Nous sommes dans une optique de consommation abusive et rapide. On prend moins le temps d’apprécier un artiste en particulier. L’exemple phare sont les applications d’écoutes musicales » - Agathe, 23 ans
« Les gens ne prennent plus le temps d’écouter la musique comme avant. Sur les vrais projets où la musique est mise en avant, les gens écoutent que les featuring plutôt qu’un nouveau projet conceptuel par exemple. La musique s’est encore plus popularisée et les gens prennent petit à petit conscience de l’intérêt de l’album. C’était encore le cas il y a 2/3 ans. Les gens donnent très vite leur avis, écoutent sans réellement écouter, et ne réécoutent pas forcément." - Valentin, 29 ans
"La médiocrité devient banale, tellement de projets sortent par semaines qu’on mange les albums en fast-food, c’est la même chose ! » - Léo, 21 ans
« L’art plastique est devenu une sorte de richesse comme l’argent. Plus tu as de tableaux de valeurs plus tu montres ‘ta richesse’. Cela devient donc un produit consommation. L’art n’est plus devenu un hobby mais plus un gagne pain maintenant, chose qui a l’époque nécessitait des financements, maintenant un artiste en règle générale gagne très bien sa vie avec les produits qu’il propose ! » - Clara, 17 ans
Alors que l’art a toujours été étroitement sujet à des transactions, il est devenu, au fil du temps, un véritable business. On parle du « marché de l’art » au sens
moderne depuis le XVIIIe siècle.
« Je dirais que la musique est devenue un vrai business. Les artistes ne font plus d’album, seulement de singles. Lorsque Damso allait sortir un véritable album, Booba l’a critiqué. ll lui a dit que ce n’était pas comme ça qu’il allait gagner sa vie, que pour percer, il faut faire des singles comme lui ! Sans oublier que maintenant il est devenu beaucoup plus facile de faire de « l’art ». Tout le monde peut s’y mettre et essayer. » - Armin, 17 ans
« C’est devenu un business, surtout dans la pop culture... c’est moins l’aspect performance vocale qui prime aujourd’hui mais plus un aspect de cool attitude (non seulement dans le son mais on juge aussi beaucoup plus la personne et ce qu’elle fait à côté aussi) » - Manon, 19 ans
Ashley, artiste australienne, nous partage son point de vue :
« C’est pour ça que c’est important de signer son travail sur internet, c’est difficile de ne pas y penser comme un business. C’est frustrant si quelqu’un vole ton travail pour le vendre à d’autre gens. Je sais que ce n’est pas le cas partout, l’art n’est pas un business partout mais c’est de plus en plus difficile je pense. »
Comme dirait Vincent Cassel, aujourd’hui le cinéma, c’est vendre des pop-corn. C’est pas la qualité du film, c’est combien de personnes vont venir le voir ? Et donc combien de litre de Coca ? Combien de Pop Corn et combien de Haribo ?
Avec le temps et l’évolution de la société de consommation, l’art est devenu lui aussi victime de ce mode de consommation. Cependant, on pourrait très bien dire que l’art est fait pour être consommé.
« Il y aura toujours des artistes dans l’âme, qui ne cherchent pas à être connus mais à s’exprimer. Seulement peut-être que de grande communautés artistiques ont été touchées par la recherche du profit, c’est même sûr. » - Julien, 19 ans
« À une époque où être artiste ça demandait des moyens, les gens prenaient soins de bien faire. Maintenant, tu sors un son sur YouTube ou Soundcloud, les gens s’en fichent, il n’y a pas besoin d’avoir de gros moyens pour sortir quelque chose. Donc il y a de plus en plus de projets médiocres et produits à l’arrache, fait pour l’argent. Beaucoup d’artistes explosent d’un coup et puis plus rien. Soit ça ouvre les portes pour des vrais artistes sois ça apporte ceux qui sont là pour faire de l’argent. Ça baisse la qualité des projets, notamment pour les rappeurs. C’est à double tranchants, c’est bénéfiques pour ceux qui se lancent mais ça peut mettre d’autres artistes en péril. Par exemple, les autres pensent que la discographie de the Weekend se limite à Blinding Lights et Save Your Tears, les gens ne sont pas curieux d’aller écouter les albums en entier. » - Mac Sim, 20 ans
Guillaume Cerutti, CEO de Christie’s rapporte que « des prix records ont été atteints dans des ventes d’art moderne et d’art contemporain, tant pour des noms confirmés, comme Picasso ou Basquiat, que pour des artistes émergents utilisant le support de l’art digital et des NFT », dans sa présentation de l’enquête de la Fédération nationale des Caisses d’Epargne.
L’an dernier, le NFT de l’artiste Beeple, Everydays : the first 5.000 days, s’est vendu à 69,3 millions de dollars. Idem pour un tableau de Jean-Michel Basquiat, In This Case, qui s’est vendu lui à 93,1 millions de dollars, ce qui en fait la deuxième toile la plus chère de l’artiste.
« La ligne est très fine. Les choses comme les NFT et tout ça, c’est un tout autre monde. Et les gens qui ont déjà de l’argent qui garde l’art pour eux on veut le voir ! »
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